Orientations du Diocèse de Strasbourg

pour la pastorale du Sacrement de la Réconciliation

1. Le Dieu révélé, source de toute réconciliation

La Bonne nouvelle révélée en Jésus-Christ est manifestation de la bienveillance et de la miséricorde infinies du Père : " Dieu n'a pas envoyé son Fils pour juger le monde, mais afin que le monde soit sauvé" (Jn 3, 17). Ainsi, au soir de sa résurrection, Jésus souffle-t-il sur les Apôtres pour faire d'eux non seulement les porteurs de cette annonce de salut, mais les signes efficaces du pardon qu'il ouvre à toute l'humanité (Jn 20,22).

Signe et instrument du salut, l'Église du Christ tout entière reçoit donc la mission d'annoncer et de proposer la réconciliation, à la suite de l'apôtre S. Paul : " Laissez-vous réconcilier avec Dieu " (2 Co. 5,20).

Cette réconciliation est chemin de communion avec le Dieu trois fois saint et entre les hommes ; elle est aussi réconciliation avec soi-même, espérance profonde et joyeuse de la libération qu'opère le Christ dans toutes les dimensions de l'existence.

2.  La proposition de la réconciliation par l'Église

- La réconciliation sacramentelle

Pour les péchés graves, l'Eglise a toujours tenu à une réconcilia­tion sous forme sacramentelle. Cette proposition de la réconciliation a pris des formes variées à travers le temps: pénitence publique dans l'Antiquité chrétienne ; forme plus personnelle née en contexte monastique durant le Haut Moyen-Âge, ou liée aux pratiques de direction spirituelle à l'époque de la Renaissance. Communautaire ou individuelle, publique ou privée : les manières de vivre la réconciliation ont donc changé à travers les siècles, selon les besoins et les circonstances. La forme sacramentelle a elle-même évolué.

- La réconciliation sous forme non-sacramentelle

II y avait et il y a toujours, par ailleurs, d'autres manières que sacramentelles de s'ouvrir à la miséricorde de Dieu. "L'Ecriture et les Pères insistent surtout sur trois formes : le jeûne, la prière, l'aumône qui expriment la conversion par rapport à soi-même, par rapport à Dieu et par rapport aux autres" (Catéchisme de l'Eglise Catholique, n° 1434) "La conversion se réalise dans la vie quotidienne par des gestes de réconciliation, par le souci des pauvres, l'exercice et la défense de la justice et du droit, par l'aveu des fautes aux frères, la correction fraternelle, la révision de vie, l'examen de conscience, la direction spirituelle, l'acceptation des souffrances, l'endurance de la persécution à cause de la justice" (id. n° 1435). " La conversion et la pénitence quotidienne trouvent leur source et leur nourriture dans l'Eucharistie, car en elle est rendu présent le sacrifice du Christ qui nous a réconciliés avec Dieu" (id. n° 1436).

- L'apport de Vatican II

Dans sa Constitution sur la liturgie, le concile Vatican II a souhaité une rénovation du sacrement de la réconciliation. Afin qu'il soit mieux vécu comme une rencontre du Christ Sauveur, le Concile a tout particulièrement insisté sur l'importance de la Parole de Dieu, car c'est bien elle qui manifeste l'appel du Dieu vivant à nous convertir pour croître en sainteté, mais dans le même temps, il a aussi souhaité que soit remise en lumière la dimension ecclésiale de cet important sacrement chrétien.

- Les célébrations communautaires avec absolution collective

Cela a conduit à un nouveau rituel pour la célébration du sacrement de pénitence, et aussi à des célébrations communautaires avec absolutions individuelles. Sur la lancée, à partir de 1974, Mgr Elchinger a donné, pour notre diocèse, des normes en vue de célébrations communautaires avec absolution collective.

C'est un fait que ces formes de célébration du sacrement ont permis à de nombreux chrétiens de redécouvrir l'expérience du par­don que, laïcs ou prêtres, ils avaient parfois vécue, antérieurement, de manière assez insatisfaisante.

Ces célébrations communautaires, leur animation, les textes lus et les réflexions proposées dans leur cadre, ont par ailleurs aidé de nombreux fidèles à mieux éclairer leur conscience et à découvrir les vraies dimensions de l'agir chrétien.

Enfin, il ne faut pas l'oublier, au cœur de la crise connue par le sacrement de pénitence et qui a conduit bien des croyants à chercher la réconciliation directement avec Dieu, ces célébrations ont maintenu la référence au ministère ordonné dans l'expérience chrétienne de la réconciliation.

3. Une étape nouvelle

Plusieurs signes nous font toutefois dire que nous sommes en train d'entrer dans une nouvelle étape.

Pour bien des chrétiens d'aujourd'hui, en particulier parmi les jeunes, certaines expériences négatives du passé ont été effacées ou n'ont pas été vécues. Et ils sont de plus en plus nombreux ceux qui en viennent à redécouvrir dans la forme de réconciliation person­nelle l'occasion d'une qualité d'échange sur la vie chrétienne, en même temps qu'une interpellation forte quant à leur propre relation à Dieu et à leurs frères. Cela se vérifie, par exemple, lors des JMJ, lors de grands rassemblements, lors de pèlerinages, etc.

Les sciences humaines nous ont, d'autre part, mieux éclairés sur le rôle libérateur de la parole, indispensable pour objectiver et mettre à distance notre vécu passé, afin de mieux assumer notre histoire personnelle.

Dans notre diocèse, l'intérêt et l'impact des rencontres organisées il y a maintenant plus de quatre ans, avec le Père Louis-Marie Chauvet, ont permis de mieux réaliser que pouvoir recevoir l'annonce du pardon est, de fait, une grande grâce. Et que celle-ci se redouble lorsque cette annonce est ritualisée et personnalisée.

L'année jubilaire a été l'occasion, en particulier dans les nombreux lieux de pèlerinages de notre diocèse, d'une revalorisation de la démarche personnelle de réconciliation.

Enfin, le récent motu proprio Misericordia Dei est venu préciser les conditions de célébration du sacrement, en particulier sous sa forme collective.

Tout cela nous amène à ouvrir des perspectives nouvelles à propos du sacrement de la pénitence, comme nous avons récemment eu l'occasion de l'annoncer. Nous confions plus particulièrement aux prêtres, coopérateurs de notre charge pastorale, la mise en œuvre progressive des dispositions qui suivent

4.  Nouvelles dispositions

II s'agit pour nous, à la fois, de ne pas perdre le bénéfice des acquis de Vatican II tels qu'ils ont pu se vivre dans notre diocèse depuis près de trente ans, et de prendre en compte la situation nouvelle dans laquelle nous nous trouvons désormais.

- Deux célébrations pénitentielles

Compte tenu de tout le positif que les célébrations communautaires ont manifestement apporté, je tiens à ce que soient maintenues les célébrations communautaires et je demande que, partout où cela est possible, deux veillées pénitentielles soient proposées, l'une au temps de la Toussaint ou de l'Avent, l'autre pendant le Carême, temps "particulièrement appropriés pour les exercices spirituels, les liturgies pénitentielles, les pèlerinages en signe de pénitence, les privations volontaires comme le jeûne et l'aumône" (Catéchisme de l'Eglise Catholique n° 1438).

Selon les normes formulées par le récent motu proprio quant aux absolutions collectives, celles-ci ne peuvent être données qu'en cas d'extrême urgence. Et il est clairement précisé que cela ne s'applique pas aux circonstances habituelles de la vie pastorale.

Aussi ces veillées pénitentielles seront-elles conclues par une for­mule comme celle qui est utilisée au début de l'Eucharistie: "Que Dieu tout-puissant nous fasse miséricorde, qu'il nous pardonne nos péchés et nous conduise à la vie éternelle. " II pourra assurément s'agir d'un pardon réel, source de grâce et de paix pour qui le vivra en vérité - à savoir : dans le désir de s'ouvrir davantage à la grâce de Dieu, dans la reconnaissance et le regret de son péché, dans le souci du frère. (Il a précisément été rappelé ci-dessus que, traditionnellement, tout pardon n'est pas nécessairement sacramentel dans l'Eglise.)

On offrira aux participants qui le désirent la possibilité d'un aveu personnel et d'une absolution individuelle, soit au cours de la célébration elle-même comme la tradition en existe dans notre diocèse, soit ultérieurement.

Il importera de ne pas perdre de vue que c'est à chaque fidèle qu'il appartiendra de se décider en conscience face aux propositions qui lui seront ainsi faites.

- De nouvelles propositions pour la réconciliation personnelle
sacramentelle

La pastorale du sacrement de réconciliation doit inviter à une démarche personnelle ritualisée selon le renouvellement proposé par Vatican II. Découvrir la bienveillance de Dieu et son péché personnel relève de raffinement spirituel, dans un monde où la responsabilité personnelle est brouillée, et donc le sens de la faute diffus. Il nous incombe dès lors de proposer et de rendre effectivement possible à qui le souhaitera la rencontre avec un prêtre, l'aveu individuel et l'accueil personnel du pardon de Dieu.

Cela vaut en premier pour les péchés graves qui ont blessé le prochain, l'Eglise et Dieu, et pour lesquels chacun ne peut être seul juge de la réparation à effectuer, surtout quand le tort fait est irréparable. Comme le rappelle le Droit de l'Eglise, "la confession individuelle et intégrale avec absolution constitue l'unique mode ordinaire par lequel un fidèle conscient d'un péché grave est réconcilié avec Dieu et avec l'Eglise " (Code de Droit Canonique n° 960).

La confession individuelle est aussi d'un grand secours pour être renouvelé dans sa vie personnelle et dans l'alliance d'amour avec Dieu. Elle "est particulièrement adaptée aux temps forts de la vie, avant un engagement important ou un sacrement qui fera référence (confirmation, mariage, onction des malades) ". (Cf. Hors Série 2004 de Carrefours d'Alsace, La joie du pardon, p. 43).

5. Une source d'espérance

Reconnaître qu'on peut être pardonné par Dieu, recevoir effective­ment son pardon, vivre réconcilié : il y a là une source d'espérance pour les chrétiens et pour l'humanité. Il nous est en effet par là rappelé à temps et à contre-temps que chaque homme porte en lui la trace du Créateur, et reste donc envers et contre tout capable de faire le bien.

Dieu nous ouvre sans cesse un avenir, alors que nous pourrions humainement désespérer ou nous laisser entraîner dans la spirale de la haine et de la vengeance... Puissions-nous donner toute leur place non seulement à cette dimension de la foi chrétienne, mais aussi au sacrement qui à la fois la manifeste et nous la fait vivre !

+Joseph DORÉ

Archevêque de Strasbourg

Pour la mise au point de ces orientations, le partage de nos expériences pastorales à été décisif, en particulier dans le contexte du Conseil du Presbyterium. Nous poursuivrons, bien entendu, la réflexion dans ce cadre. Il me semble indiqué de prévoir une première évaluation dans deux ans, soit pour le Carême 2006.